mercredi 15 mars 2017

Werner Hülle, archéologue nazi à Carnac.



L'Heure Bretonne 22 janvier 1943
Les liens tissés avant-guerre entre les chefs du Parti National Breton et certains intellectuels nazis sont aujourd’hui incontestables. Parmi ceux-ci, le plus connu était Gerhard Von Tevenar, très proche d’Olier Mordrel et secrétaire de la « Société allemande d’études celtiques » (DGKS) contrôlée par l’Ahnenerbe, groupe d’études de la SS, créée par Heinrich Himmler. Exclu du parti nazi et tombé en disgrâce au début du conflit mondial, Tevenar sera supplanté par le professeur Leo Weisgerber, membre lui aussi de la DGKS, et soutenu par le très nazi Werner Best, chef de l’administration militaire allemande à Paris. Les deux érudits en matière d’études celtiques avaient alors la réputation d’être les meilleurs spécialistes allemands de la culture bretonne. Mais l’intérêt des universitaires et chercheurs d’outre-Rhin ne se limitait pas qu’au folklore ou à la langue bretonne. 
En effet, les monuments mégalithiques du Morbihan ont toujours fasciné les archéologues allemands. Ce que met en évidence, dans une récente communication, Reena Perschke, docteur en archéologie, qui cite un voyage effectué en juillet 1937 par les 27 membres du Reichsbund für Vorgeschichte. Ces visiteurs sont alors pilotés par le Dr Werner Hülle, né en 1903, assistant du professeur et archéologue Hans Reinerth, qui dirige au sein du parti national-socialiste le Reichsbund, dont l’objectif idéologique était d’établir une archéologie fondée sur la pureté raciale germanique. Le groupe sera reçu par Zacharie Le Rouzic, le distingué directeur du musée de Carnac. D’après Reena Perschke, à cette date, Werner Hülle est également directeur de la section Études préhistoriques du « Service Rosenberg ». Créé en 1934 par Alfred Rosenberg, ce « Service Rosenberg » était une formation du NSDAP chargée de l’éducation et de la formation idéologique des membres du parti nazi. On lira avec intérêt l'article élogieux paru dans L'Heure Bretonne du 12 janvier 1943, à l'occasion du cinquantième anniversaire d'Alfred Rosenberg. Au sein de ce service, Hans Reinerth dirigeait la section archéologique, qui va connaître un réel succès jusqu’au déclenchement des hostilités. Parmi les autres sections du « Service Rosenberg », se distingue l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR), chargé de la confiscation des œuvres d’art et des bibliothèques volées principalement aux Juifs dans les pays occupés.
Après cette première visite de 1937, la débâcle de 1940 et l’occupation de la Bretagne offrent de nouvelles perspectives d’études pour les archéologues allemands. C'est ainsi qu'une première campagne de fouilles est effectuée en 1940, dont Reena Perschke donne un compte-rendu dans sa communication « Sous la responsabilité du Dr Modrijan et avec l’aide de prisonniers de guerre français furent prises entre le 23 septembre et 2 décembre (1940) les mesures des cinq grands alignements (…) qui furent aussi photographiés, dessinés ou peints à l’aquarelle par Heinz Küsthardt (…) Enfin les docteurs Gerta Schneider et Heinz Dürr firent des photos et des dessins de tous les objets datant de l’âge de pierre des musées de Carnac et Vannes. Des personnes éminentes comme Hans Reinerth et Alfred Rosenberg ont visité Carnac pendant ces travaux de mesure en 1940. »
Sous l'Occupation, l’équipe de Rosenberg n’est pas la seule à s’intéresser au passé germanique des Allemands. Elle doit aussi faire face à l’influence grandissante d’un autre institut de recherche, l'Ahnenerbe, créé par Heinrich Himmler, et qui finira par supplanter le Reichsbund. C’est ainsi qu’à l’été 1940, d’après Reena Perschke « Himmler ordonnait d’envoyer en Bretagne l’archéologue de son service Ahnenerbe Herbert Jankhun » Celui-ci devait « Prendre en charge toutes les préparations nécessaires pour l’enregistrement et l’étude des monuments mégalithiques se trouvant dans cette région. » Le projet n’aboutira pas, le Reichsbund ayant déjà démarré les fouilles. Resté sur place, Jankhun se contentera d’observer les recherches de Hülle. D’après l’archéologue Laurent Olivier, Jankhun n’était pas seul « Plassmann, qui est lui aussi membre de l’Ahnenerbe, l’accompagne. Plassmann est alors directeur de publication de Germanien, la revue de l’institut scientifique de la SS. Il est aussi Chef de section de l’Office central du peuplement et de la race SS. Il travaille sur les minorités nationales en France. » (2) Il ne fait désormais aucun doute que les activités « culturelles » de ces organisations nazies servaient surtout de couverture aux agents de l’Abwehr et du SD, chargés de nouer des contacts et de contrôler l’activité des autonomistes bretons. Le 10 novembre 1940, alors que Jankhun est sur Carnac, Joseph Plassman, accompagné du Dr Bert Benning et de Friedrich Bauchloch, se rend dans le Finistère pour voir Yann Fouéré, le druide Taldir Jaffrennou et l’abbé Perrot (3).
La première campagne de fouilles de l’automne 1940 terminée, une seconde est effectuée en 1941 puis une autre pendant l’été 1942, mais sans Werner Hülle. En effet, toujours d’après Reena Perschke « Pendant les années 1941 et 1942, Werner Hülle, du Reichsbund, fut affecté au front de l’Est, entre autres missions, à la dépossession massive des œuvres d’art. Il déménagea plusieurs bibliothèques et collections de musées en Allemagne où tout a été détruit pendant la guerre. Le Reichsbund chargea alors le professeur Friedrich Walburg, de Brême, d’effectuer des recherches à Carnac. En collaboration avec Maurice Jacq, Walburg commença une fouille à Kerlescan, afin d’étudier le contexte et les rapports internes du tertre allongé, du quadrilatère et des alignements de Kerlescan. Pendant ses travaux, Walburg n’employa pas de prisonniers de guerre français, mais des enfants et des personnes âgées de la région. Ils étaient payés et, à la fin du chantier, tout le monde était invité à prendre un verre à l’Hôtel de Ville. Walburg rendit hommage à la collaboration de Maurice Jacq qu’il jugeait aimable et serviable, mais celui-ci a rapporté plus tard qu’il aurait pris part à ces fouilles pour mieux contrôler les travaux allemands. » Ces deux campagnes de fouilles de 1941 et 1942 ont fait l’objet d’une communication par le professeur Yves Milon : « En 1941, le professeur Walburg, de Brême, pria M. Jacq de l’accompagner dans ses recherches qui durèrent deux mois (…) Trois pièces furent distraites par l’archéologue allemand au cours de cette première campagne. » Milon écrit qu’une autre pièce a été subtilisée lors des fouilles de juillet 1942, mais il ne parle pas de Werner Hülle « Près de l’emplacement du 25e menhir, fut mise au jour une hache plate en cuivre (0m10 de longueur) qui fut emportée par un des archéologues allemands. » (4
En raison de l’évolution du conflit, et des travaux de fortifications des côtes de l’Atlantique, cette campagne de l’été 1942 sera la dernière, les archéologues ne pouvant plus accéder à la zone côtière interdite. Qu’est devenu Werner Hülle après son départ de Carnac en décembre 1940 ? Nous savons par Reena Perschke qu'il fut affecté au front de l'Est « Pendant la guerre, il a participé aux pillages des objets archéologiques et des œuvres d’art de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (ERR) dans l’Europe de l’Est. » Ce que confirme un autre historien et archéologue, Jean-Paul Demoule « En URSS, Reinerth, aidé de Joachim Benecke, Werner Hülle, Modrijan, dévalise les musées de Kharkov et de Kiev. » (5)
Pour ses recherches, Reena Perschke déclare qu’elle a essentiellement travaillé à partir d’archives allemandes « Le seul document provenant du coté des Français attestant la présence des archéologues allemands est une inscription dans le livre des visiteurs du musée de Vannes : 30. XI. – 3. XII. 40, Sonderstab Vorgeschichtliche Forschungen Berlin, Dr. Werner Hülle, Dr. Walter Modrijan. » Après avoir lu cette communication, je me suis souvenu avoir consulté aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine (ADIV), il y a presque vingt ans maintenant, un petit dossier où il était question de fouilles à Carnac, dont j’avais noté la référence mais oublié le nom de l’archéologue.
Dossier Werner Hülle
Doc N° 1. 10 avril 1947. Le Directeur du Service de recherche des crimes de guerre ennemis au Directeur de la Sûreté Nationale.
Objet : Arrestation du Dr Hülle. Actuellement détenu en zone française d’Occupation.
Procéder à une enquête sur l’activité du Dr Hülle ex-membre de l’Einsatztab Kommando Rosenberg de la section préhistorique. Hülle a-t-il procédé à la réquisition et a l’enlèvement de collections préhistoriques ou d’objets d’art en France ? S’occupait-il du pillage des biens israélites ?
Doc N° 2. 20 mai 1947. Inspecteur François Resnais. 13e Brigade régionale de Police Judiciaire de Rennes. Audition de Maurice Jacq, 55 ans, conservateur du musée de Carnac.
« Vers la fin de l’été 1940 j’ai eu l’occasion de faire la connaissance du docteur allemand Hülle, il était accompagné du géomètre Modrial (Lire Modrijan), d’origine autrichienne. Il s’est présenté en visiteur de Musées. Quinze jours ou trois semaines après cette première visite, il est de nouveau revenu à Carnac accompagné cette fois du peintre Kusthardt et du photographe Durr. Aidé de prisonniers français il a procédé a un relevé complet des alignements de Carnac avec prises de vues par avion. Au cours des sondages il a cru avoir découvert un tumulus dans les alignements de Carnac à Kerlescan. Au musée il a photographié et dessiné tous les objets l’intéressant pour pouvoir publier une brochure de propagande. Dans ce travail il était également secondé par Mlle Schneider de Manheim. Les relevés terminés, ces Allemands ont quitté la région vers la fin de l’année 1940. En juillet 1941, Monsieur Wolburg, professeur à Brême, est venu me trouver chargé par l’Institut de Berlin et avec l’assentiment des Beaux-arts me dit-il, pour mettre à exécution la fouille du tumulus. Il a procédé à des fouilles aidé par 6 ouvriers français, pendant trois mois, mais sans résultat. En juillet 1942, Wolburg est revenu pour poursuivre ses recherches, aidé cette fois par Hülle et son équipe. Au cours de leurs travaux, ils ont découvert des instruments néolithiques, qui sont restés en ma possession. Car je dois vous dire que les ouvriers français chargés du travail me passaient au fur et à mesure de leurs découvertes, sans les montrer aux allemands, tous les objets qu’ils découvraient ; sauf une petite hache en cuivre que le docteur Hülle a emmené avec lui pour l’analyser, avec la promesse qu’il me l’aurait renvoyée. Ces fouilles devaient être reprises en 1943, mais le débarquement en Afrique du Nord a du les en empêcher, car je ne les ai jamais revus. Quand le docteur Hülle est revenu en 1942, il m’a fait voir une brochure écrite en allemand, concernant les monuments mégalithiques de la région. A ma connaissance, je n’ai rien à dire sur la conduite de cet allemand et je n’ai pas à me plaindre de son séjour à Carnac. Je sais également que pour l’édition de la brochure, il a photographié et dessiné divers objets du musée de Vannes. »
Doc N° 3. 28 mai 1947. Rapport de l’inspecteur François Resnais.
« Maurice Jacq m’a déclaré avoir connu le docteur Hülle au cours de la visite que lui fit ce dernier pendant l’occupation. La 1ère fois vers la fin de l’été 1940, il vint à Carnac et se présenta en visiteur de musées. Il était en compagnie du professeur Mordréal (Lire Modrijan). Quinze jours plus tard, il revint accompagné du peintre Kusthardt et du photographe Durr. Il a procédé à un  relevé complet des alignements de Carnac avec prises de vues par avion. Il photographia également plusieurs objets du musée de Carnac et il partit vers la fin de 1940. M. Jacq précise qu’en juillet 1941, probablement pour faire suite à la visite de Hülle, le professeur Wolburg vint à son tour à Carnac et avec l’aide d’ouvriers français participa à des recherches dans un tumulus, situé dans les alignements de Carnac. Recherches qui d’ailleurs s’avéreront vaines. En juillet 1942, Wolburg et Hülle, ainsi que leurs assistants revinrent de nouveau fouiller la région de Carnac, ils réussirent à découvrir divers objets, mais les Français se livrant à ce travail, les remettaient directement à M. Jacq, sans que les Allemands puissent les voir. Toutefois une hache ne cuivre fut prise par Hülle qui déclara vouloir procéder à une analyse et qu’ensuite il l’aurait remise à M. Jacq, mais Hülle n’étant jamais revenu dans la région, il dut conserver cette hache vers lui. D’après les dire de M Jacq, le docteur Hülle s’est conduit de façon très correcte et il ne croit pas qu’il se soit livré à un pillage quelconque. En ce qui concerne le musée de Carnac, M. Jacq m’a déclaré que Hülle n’avait rien emporté. Ayant poursuivi mes recherches à Vannes, j e n’ai pu toucher le conservateur du musée ni M. Bouix secrétaire du musée, ceux-ci étant absents, cependant Mme Bouix m’a déclaré se souvenir du passage du Dr Hülle et que ce dernier s’était fait remarquer par sa grande discrétion. A sa connaissance elle ne croit pas que des objets du musée aient été emportés par Hülle. »
Doc N° 4. 2 mai 1947. Audition de Raymond Lantier, Saint-Germain-en-Laye
« En octobre 1940, beaucoup d’Allemands traitant des questions d’archéologie sont venus au Musée des antiquités nationales afin de se renseigner sur ces questions. Je n’ai pas retenu les noms de ces derniers et il se peut très bien que le nommé Hülle ; comme il le déclare soit venu. Ce que je me rappelle particulièrement, c’est d’avoir reçu, vers la même époque, la visite d’un de mes collègues allemands avec lequel j’étais en relations depuis une vingtaine d’années. Ce collègue était M. Hans Zeiss ; il est venu me mettre en garde contre les agissements de certains archéologues allemands patronnés par le professeur Reinharth, spécialisé des affaires raciales, et grand directeur de la préhistoire en Allemagne, qui auraient l’intention de fouiller en France et particulièrement en Bretagne. Hans Zeiss ne m’a pas donné les noms de ces archéologues allemands, ni plus de précisions quant à leurs travaux. A la suite de la déposition de Hülle dont vous venez de me donner connaissance, j’en déduit que ce dernier devait faire partie de l’équipe dont Zeiss avait eu l’obligeance de me mettre en garde. Je sais qu’il a été effectué par les Allemands différentes recherches concernant l’archéologie, particulièrement dans la région de Carnac, et mon collègue M. Jacq, conservateur du musée de Carnac sera peut-être à même de vous fournir des renseignements plus précis sur l’activité de Hülle. Je tiens à vous préciser qu’il ne m’a été demandé par ces Allemands à mon service de Saint-Germain-en-Laye aucun document ou pièce pouvant les intéresser. Des renseignements qui me sont parvenus, Zeiss aurait trouvé la mort sur le front de Russie. »
Doc N° 5. 2 décembre 1946. Audition de Hülle par trois gendarmes français. Résidence de Reutlingen. Hülle figure sur le Bulletin Officiel des Recherches N° 4 du mois de février 1946 sous le N° 291 et recherché par le bureau BERCG de Reutlingen, comme membre de la Section préhistoire dans l’Einsatztab Kommando Rosenberg, chargé du pillage systématique des biens israélites dans les pays occupés. Interrogé, celui-ci nous a déclaré :
« Hülle, Werner, 43 ans, né le 7 novembre 1903 à Reutlingen, fils de Ferdinand et de Wilhelmine Trissler, docteur professeur d’archéologie à l’Institut de préhistoire à Berlin, provisoirement licencié de ses fonctions en raison de son passé politique, actuellement commis voyageur au service de son frère, directeur de la maison Hülle & Cie, à Reutlingen, demeurant à Reutlingen, Kaiserstrasse N° 115, marié, deux enfants, instruction supérieure, parle français, de nationalité allemande.
J’ai fait mes études à Tübingen, Munich et Heidelberg. En 1926, j’ai obtenu le diplôme de docteur. De 1926 à 1928 j’ai assumé les fonctions d’assistant à l’Institut préhistorique de l’université de Tübingen. A cette date et jusqu’en 1935, je suis devenu assistant au Musée provincial de Halle (Saxe). J’ai été muté ensuite à l’Institut de préhistoire de l’Université de Berlin, où j’ai exercé jusqu’au 30 avril 1944. Le 1er mai 1944, je me suis rendu à Hochstedt près de Hausburg à l’Institut préhistorique pour les territoires de l’Est. J’ai quitté cette ville le 25 avril 1945 pour rejoindre l’armée sur ordre de la Wehrmacht. La débâcle est arrivée et je n’ai pas été militaire. En 1939, j’ai obtenu à Berlin le diplôme de professeur. J’ai adhéré au NSDAP le 1er mai 1933. Je n’ai pas eu de fonction proprement politique. Mais dans ma branche professionnelle, j’avais le titre de « Abteilung-Leiter ». Du 1er mai 1933 au 30 mars1935 j’ai été affilié au NSKK. A l’arrivée des troupes américaines à Hochstedt, ma carte du parti a été détruite ainsi que d’autres papiers personnels. Je suis arrivé à Reutlingen vers la mi-mai 1945.
En 1938 je me suis rendu en Bretagne pour y faire des études sur les monuments préhistoriques qui présentaient un grand intérêt pour l’instruction des jeunes de mon pays. Pendant la guerre j’ai effectué deux voyages en France afin de poursuivre mes études sur le même sujet. Sur ma proposition j’ai obtenu un avis favorable de mon chef direct le professeur Reinarth, de Vichy. De même le Général Stülpnagel commandant l’armée d’occupation en France m’avait délivré une pièce nécessaire pour franchir la frontière. La 1ère fois j’ai séjourné en France du 15 août 1940 au 15 novembre de la même année. J’étais accompagné de mes confrères le docteur Modrial (Lire Modrijan) de Berlin et de l’artiste peintre Kusthardt dont je n’ai plus de nouvelles. Le photographe Durr faisait partie de notre équipe. J’ai rendu visite à Paris à M. Landier directeur du Musée national de Saint-Germain-en-Laye. De là je suis allé a Vannes et a Carnac. Nous avons photographié et dessiné les monuments essentiels (Dolmens et les monuments mégalithiques). Les études terminées je suis revenu à Berlin. J’ai remis mes écrits au ministère de cette ville. De juillet 1941au mois d’octobre 1941, mobilisé, je suis allé en France ou j’ai été chargé de la vérification des papiers de la ligne de démarcation dans un petit village près de Tours. Au mois de juin 1942, au même titre que la première fois, après quelques jours passés à Paris, j’ai rejoint Carnac en Bretagne pour poursuivre ma mission. Par crainte de destruction du mur de l’Atlantique, j’ai relevé les emplacements exacts des monuments anciens de valeur. J’ai écrit un petit livre traitant de la préhistoire en Bretagne mais je ne puis vous fournir un seul exemplaire. J’ai quitté définitivement la France au mois de septembre 1942 pour Berlin. Le 1er mars 1943 le professeur Reinarth m’a envoyé à Kiev et Nepopetrovsk (Lire Dnepropetrovsk) (Ukraine). Des fouilles effectuées sous le Dniepr nous avons découvert des objets (poteries) et des tombeaux datant de l’âge de pierre. Une partie de ce matériel a été envoyé à Cracovie. Je me suis rendu dans cette ville, avec des savants ukrainiens, pour étudier et approfondir ces découvertes. Le 1er mai 1944 le front étant sans cesse mouvant, matériel et hommes sont partis à Hochstedt (Allemagne). C’est là que les troupes américaines nous ont trouvés et se sont emparées du matériel. L’institut de préhistoire de Berlin a été évacué à Salem (Château) et il est possible qu’une partie de mes études s’y trouve. Personnellement je n’ai gardé aucun souvenir. L’Institut préhistorique de l’Est auquel j’ai appartenu était sous la direction de Rosenberg. Je n’ai jamais servi à l’Einsatzstab Rosenberg qui avait un caractère politique. Mon service au Sonderstab Vorgeschichte n’était que de nature scientifique. Je sais que le 1er service était chargé du pillage systématique des biens appartenant aux Juifs mais je n’ai jamais été appelé à collaborer avec ses agents. En 1933 j’ai adhéré par idéalisme au national socialisme. Je pensais que seul ce régime pouvait permettre le redressement économique et moral de notre pays malheureux, mais par suite mes idées ont changé en raison des injustices nées de la politique. Lecture faite persiste et signe. »
Comme toujours avec ces interrogatoires, les déclarations des suspects doivent être analysées avec la plus grande circonspection. Il n’empêche, si les campagnes de fouille de 1941 et 1942 ont bien été menées par Walburg, comment se fait-il que personne ne mentionne la présence de Werner Hülle à Carnac en 1942, comme il l’affirme lui-même ? Présence que confirme Maurice Jacq, mais aussi indirectement Yves Milon avec cette fameuse hache en cuivre « empruntée » par Hülle pendant l’été 1942 (Cf Gallia). Quoi qu’il en soit, et si ses déclarations sont exactes, ce n’est donc qu’au mois de mars1943 que Werner Hülle aurait été envoyé sur le front de l’Est et non durant les années 1941-1942.

(1) Reena Perschke, Les mégalithes du Morbihan littoral sous l´occupation allemande (1940-1944), Bulletin et Mémoires du Morbihan, Société Polymathique du Morbihan, tome CXXXIX, Vannes 2013. Communication consultable en ligne.
(2) Laurent Olivier, Nos ancêtres les Germains : les archéologues au service du nazisme, 2012.
(3) Kristian Hamon, Les nationalistes bretons sous l’Occupation, 2001, p. 65.
(4) Gallia, tome V, 1947.
(5) Jean-Paul Demoule, Mais où sont passés les Indo-Européens ?, 2014.